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Les forêts de montagne françaises menacées par les changements globaux

Une évaluation des forêts de montagnes françaises menée dans le cadre de la Liste rouge des écosystèmes français confirme la sensibilité des forêts aux changements globaux. Sur 19 écosystèmes forestiers expertisés, 10 sont classés menacés et 6 quasi menacés.

Les montagnes constituent de véritables refuges de biodiversité. Affichant des milieux très variés, déterminés par la nature du sol, l’altitude, le relief et l’exposition des versants, etc., elles abritent nombre d’espèces endémiques (vivant exclusivement dans un lieu donné). À l’écart des peuplements humains et souvent protégées, les montagnes de l’Hexagone et de la Corse concentrent ainsi une grande part du patrimoine naturel français.

Leurs caractéristiques écologiques et géographiques en font toutefois des lieux également très sensibles aux changements globaux, en particulier aux variations climatiques.

L’augmentation des températures y est en effet plus importante qu’en plaine. C’est pourquoi la Liste rouge des écosystèmes en France, co-coordonnée par le Muséum national d’Histoire naturelle, l’Office français de la biodiversité (OFB) et le Comité français de l’UICN, s’intéresse aux écosystèmes forestiers de montagne. Or, cette analyse de l’état des écosystèmes et des pressions qui les affectent, conclut que 16 des 19 forêts françaises évaluées (84 %) sont menacées ou quasi menacées.

Des milieux complexes

Étagement de la végétation en montagne

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Les écosystèmes analysés se situent dans les étages montagnards et subalpins de l’Hexagone et la Corse. Les premiers sont caractérisés par des températures moyennes positives, une atmosphère humide, un sol plus abondant qu’en altitude et des forêts mixtes mélangeant feuillus et résineux. Les seconds affichent des températures plus contrastées – parfois négatives – , une atmosphère plus sèche et ensoleillée ; ils sont majoritairement peuplés de résineux.

Ces forêts constituent des paysages variés, hérités des activités humaines actuelles ou passées. Certaines ont en effet été façonnées par des exploitations sylvicoles anciennes, d’autres défrichées puis replantées, parfois avec des essences nouvellement introduites sur le territoire, ou encore issues d’un reboisement spontané suite à la déprise agricole.

Risque d'effondrement

La Liste rouge des écosystèmes évalue non pas le danger d’extinction, mais le risque d’effondrement d’un milieu, c’est-à-dire une transformation massive et irréversible de la nature des éléments présents et de leurs interactions.

À terme, l’ensemble des fonctionnements et services écosystémiques de ces forêts (lutte contre l’érosion des sols, cycle et qualité de l’eau, habitat naturel…) pourraient être considérablement bouleversés.

Cocktail de pressions

Les changements climatiques constituent un moteur important de la modification des écosystèmes forestiers français. Les hêtraies et sapinières subalpines sont ainsi classées en danger, car particulièrement exposées aux changements survenus ces 50 dernières années : températures plus chaudes, baisse des précipitations estivales, hausse des épisodes de sécheresse.

D’autres facteurs achèvent de fragiliser l’ensemble des forêts françaises, en particulier la conversion des forêts vers des peuplements homogènes, parfois composés d’essences introduites en dehors de leur zone de répartition naturelle. Certains espaces subissent aussi la pression croissante des ongulés sauvages (cerfs, chevreuils…) abondants dans ces zones sous les effets conjugués des modes d’occupation des sols, des actions de gestion et les politiques publiques destinés à renforcer les effectifs de gibiers, la faible présence de prédateurs et les changements climatiques. En région méditerranéenne, s’ajoute également la pollution atmosphérique à l’ozone.

Des impacts à évaluer

En conséquence, la composition de la végétation et de la faune associée se modifie et ces changements peuvent entraîner des effets en cascade dans l’écosystème. À ce jour, en raison de l’hétérogénéité des forêts et de la complexité des interactions à l’œuvre, il est toutefois difficile de déterminer quels seront les impacts sur les espèces qui peuplent ces forêts et sur les équilibres actuels.

Ces incertitudes incitent à une gestion prudente des écosystèmes forestiers, allant du maintien d’une intervention humaine minimale jusqu’à des actions de préservation ou de restauration pour sauvegarder une diversité d’espèces et de variétés d’arbres garante de la résilience la plus forte.

Consulter le détail de l’évaluation Liste rouge des écosystèmes forêts de montagne Hexagone et Corse, élaboré avec le concours de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et des Conservatoires botaniques nationaux (CBN)

Relecture scientifique

Guillaume Gigot

Responsable de la cellule "Conservation" et référent outre-mer à PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD)

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